31/01/2023

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Projet de loi 8053 transposant la directive mobilité

Le 10 mai dernier, l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg a rendu son avis quant au projet de loi n°8053 (le « Projet de Loi ») qui a pour objet de transposer la Directive (UE) 2019/2121 du Parle­ment européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transforma­tions, les fusions et les scissions transfrontalières (la « Directive Mobilité »).

La Directive Mobilité vise à rectifier certaines imperfections existantes en matière de fusion transfrontalière, mais également à adopter des règles harmonisées sur les transformations et les scissions transfrontalières toutes deux calquées sur le modèle des fusions transfrontalières.

A cet effet, le Projet de Loi met en place des règles juridiques distinctes mais harmonisées pour les fusions, les scissions et les transformations transfrontalières, avec d’une part, un régime commun applicable pour les fusions et les scissions internes, ainsi que les fusions, les scissions et les transformations transfrontalières autres que les opérations entrant dans le champ d'application des règles de l'Union européenne (le « Régime Commun »), et d'autre part un régime spécial et dérogatoire au droit commun qui relèvent du champ d'application des règles de l'Union Européenne en créant les concepts de fusion transfrontalière européenne, de scission transfrontalière européenne et de transformation transfrontalière européenne (le « Régime Spécial »), le but étant d’harmoniser entre elles, dans la mesure du possible, les procédures des fusions, des scissions et des transformations transfrontalières et de limiter les règles plus contraignantes issues de la Directive Mobilité aux seules opérations transfrontalières tombant dans son champ d’application. Il est à noter que la procédure existante pour une transformation interne, qui n’im­plique pas de déplacement du siège social au-delà des frontières, n’est pas modifiée par le Projet de Loi.

 

REGIME COMMUN

Le Régime Commun reprend les règles existantes en matière de fusion et de scission dans la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales telle que modifiée avec certaines modifications visant à les assouplir et introduit des règles pour les transformations transfrontalières non européennes calquées sur les procédures des fusions et des scissions. Parmi d’autres choses, le Projet de Loi :

  • ouvre la possibilité de procéder à une fusion ou à une scission aux sociétés en commandite spéciale alors que celles-ci sont dépourvues de la personnalité juridique ;
  • clarifie que l’assemblée générale a le pouvoir de modifier le projet commun de fusion, de scission ou de transformation et qu’elle peut également subordonner la réalisation de l’opération à certaines conditions ou termes ;
  • supprime la nécessité de faire établir un rapport d’expert indépendant pour les sociétés unipersonnelles.

Fusions

En ce qui concerne le Régime Commun des fusions, le Projet de Loi précise que :

  • la notion de fusion par absorption regroupe également deux formes simplifiées de fusion qui se caractérisent par l’absence d’échange d’actions ou de parts sociales : l’upstream merger (réalisée par la société qui détient toutes les actions/parts sociales et autres titres conférant un droit de vote de la société absorbée) et la side-stream merger (réalisée par une personne qui détient directement ou indirectement toutes les actions/parts sociales des sociétés qui fusionnent ou que les associés des sociétés qui fusionnent détiennent leurs titres dans la même proportion dans toutes les sociétés qui fusionnent) introduisant ainsi la possibilité de procéder à des fusions simplifiées entre sociétés sœurs ;
  • les fusions autres que transfrontalières seront désormais opposables aux tiers à compter de la publication du procès-verbal de l'assemblée générale de la société absorbante qui approuve la fusion ou, en l’absence d’une telle assemblée, de la publication d’un certificat d’un notaire établi à la requête de la société concernée constatant que les conditions de la fusion ont été remplies ;
  • la date de prise d’effet d'une fusion transfrontalière est désormais déterminée par référence à la législation de l’Etat dont relève la société issue de la fusion transfrontalière ;
  • en cas d'absorption d'une société de droit luxembourgeois par une société de droit étranger, la radiation de la société absorbée par le Registre de Commerce et des Sociétés luxembourgeois (« RCS ») pourra être effectuée sur la base d’une preuve concluante de la prise d’effet de la fusion et plus seulement sur la notification du registre dont relève la société absorbante.

Scissions

Le projet de Loi prévoit désormais que dans le cadre du Régime Commun des scissions que :

  • la date de prise d’effet d’une scission transfrontalière est déterminée par la législation de l’État de la société scindée ;
  • la scission ne sera opposable aux tiers qu'à compter de la publication du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société scindée ;
  • la date d'entrée en vigueur d'une scission transfrontalière sera désormais déterminée par référence à la législation de l’Etat régissant la société scindée.

Transformations transfrontalières

En ce qui concerne les transformations transfrontalières dans le cadre du Régime Commun, le Projet de Loi précise que :

  • ce nouveau régime s'appliquera à la transformation d'une société ou d'un groupement d'intérêt économique (« GIE ») de droit luxembourgeois en une société ou un GIE de droit étranger ou inversement (sauf si la transformation entre dans le champ d'application du règlement (CE) 2157/2001 relatif au statut de la société européenne) ;
  • la transformation d’une société luxembourgeoise en une entité étrangère, est effectuée sans dissolution ou liquidation de l'entité luxembourgeoise et, le cas échéant, sans perte de la personnalité juridique, pour autant que le droit de l’Etat de destination ne s’y oppose pas ;
  • la transformation s'effectue selon les règles régissant la modification des statuts de la société luxembourgeoise ;
  • la transformation d’une société étrangère ou d’un GIE en une entité de droit luxembourgeois ne peut être effectuée qu’aux conditions applicables à la constitution d’une société ou d’un GIE.

 

REGIME SPECIAL

Le Régime Spécial sera seulement applicable aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés à responsabilité limitée (pour les opérations de mobilité intra-européennes, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus). Le Régime Spécial ne sera par ailleurs pas applicable aux sociétés coopératives (même organisées en SA), aux OPCVM, aux sociétés en liquidation ayant commencé la répartition des actifs, aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement ou aux Sociétés Européennes (SE).

Dans le cadre du Régime Spécial, le Projet de Loi prévoit que :

  • comme dans le Régime Commun, les sociétés impliquées doivent convenir d'un projet écrit (c’est-à-dire, soit d’un projet commun de fusion transfrontalière, soit d’un projet commun de scission transfrontalière, soit d’un projet de transformation transfrontalière, selon le cas) couvrant certains points énoncés dans le Projet de Loi, qui doit être publié au Recueil Electronique des Sociétés et Associations au moins un mois avant la date des assemblées générales qui doivent approuver l’opération ;
  • outre le projet écrit, les sociétés (dans la mesure où l’opération doit être approuvée par des assemblées générales) doivent également faire publier au moins un mois avant ces assemblées un avis adressé aux associés, créanciers et représentants des travailleurs (ou à défaut, les travailleurs eux-mêmes) les informant de leur droit de présenter des observations sur le projet au moins cinq jours avant l'assemblée générale concernée ;
  • les organes d'administration ou de direction compétents doivent établir un rapport destiné à leurs associés et à leurs travailleurs expliquant et justifiant les aspects juridiques et économiques de l’opération, ainsi que les implications pour les travailleurs. Ce rapport peut être rédigé soit sous la forme d'un rapport conjoint (c'est-à-dire adressé à la fois aux associés et aux salariés, mais en deux parties distinctes), soit en deux rapports distincts. Ces rapports sont mis à la disposition des travailleurs ou de leurs représentants six semaines avant l’assemblée appelée à se prononcer sur l’opération. Tout avis sur ce rapport reçu des travailleurs ou de leurs représentants doit être transmis aux associés de la société concernée et annexé au rapport de l’organe d'administration. Le rapport ou la partie du rapport de l’organe d’administration qui est adressée aux associés n'est pas obligatoire pour les sociétés unipersonnelles ou si tous les associés ont renoncé à cette exigence ; de même, le rapport ou la partie du rapport de l’organe d’administration qui est adressée aux travailleurs ou à leurs représentants n’est pas obligatoire si la société n’a pas d’autres travailleurs que ceux qui appartiennent à l’organe d’administration ou de direction ;
  • un rapport établi par un expert indépendant doit être mis à la disposition des associés au moins un mois avant l'assemblée générale appelée à se prononcer sur l’opération, à moins que tous les associés des sociétés concernées y aient renoncé, ou en cas de sociétés unipersonnelles.

Par ailleurs, le Projet de Loi prévoit également un droit de retrait pour les associés qui ont voté contre l’approbation du projet de l’opération en l’échange du paiement d’une soulte en espèce qui doit être versée dans un délai de deux mois après la prise d’effet de l’opération. La soulte en espèces pourra être versée et l’acquisition effectuée soit par les sociétés concernées par l’opération, soit par les associés restants, soit par des tiers en accord avec les sociétés concernées par l’opération. L’expert indépendant devra dans son rapport se prononcer sur le caractère adéquat de la soulte.

Dans le cadre du Régime Spécial, le notaire luxembourgeois devra vérifier si les conditions pertinentes et les procédures et formalités requises par la loi pour la mise en œuvre de l’opération ont été respectées, et il devra délivrer un certificat préalable à l’opération. En particulier, le notaire devra vérifier si l’opération a été mise en place à des fins abusives ou frauduleuses conduisant ou visant à contourner le droit national ou communautaire à des fins criminelles. Dans ce cadre, le notaire pourra consulter d’autres autorités pertinentes qui sont qua­lifiées dans les différents domaines concernés par l’opération, y compris le cas échéant les autorités de l’État membre de la société étrangère partie à l’opération, et obtenir de ces autorités et des sociétés parties à l’opération les informations et documents nécessaires pour effectuer le contrôle de la légalité de l’opération. Le certificat est déposé au RCS et transmis par le gestionnaire du RCS au registre auprès duquel les sociétés qui participent à l’opération sont immatriculées.

Une fois l’opération devenue effective, sa validité ne peut plus être contestée.

Enfin, Il est à noter que les dispositions de la Directive Mobilité relatives aux scissions transfrontalières, partielles ou complètes, sont limitées aux seules scissions impliquant une société préexistante.

 

Transposition – Entrée en vigueur

Une fois adoptée, la nouvelle loi s'appliquera aux opérations pour lesquelles le projet écrit sur l’opération envisagée est publié à compter du premier jour du mois qui suit la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Par conséquent, pour les projets publiés avant cette date, les règles de restructuration en vigueur demeureront applicables.

Dans son avis, le Conseil de l’Ordre des Avocats a approuvé la démarche des auteurs du Projet de Loi visant à transposer la Directive Mobilité selon le principe et la tradition juridique luxembourgeoise « toute la directive, rien que la directive », permettant ainsi de restreindre le champ d’application contraignant des nouveaux régimes de la Directive Mobilité au strict nécessaire, mais s’interroge à juste titre sur l’impact de la transposition de la Directive Mobilité sur l’attractivité et la compétitivité du droit des sociétés luxembourgeois.

La transposition de la Directive Mobilité devait intervenir au plus tard le 31 janvier 2023. L’avis du Conseil d’Etat sur le Projet de Loi demeure néanmoins encore attendu.

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