Le 10 mai dernier, l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg a rendu son avis quant au projet de loi n°8053 (le « Projet de Loi ») qui a pour objet de transposer la Directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, les fusions et les scissions transfrontalières (la « Directive Mobilité »).
La Directive Mobilité vise à rectifier certaines imperfections existantes en matière de fusion transfrontalière, mais également à adopter des règles harmonisées sur les transformations et les scissions transfrontalières toutes deux calquées sur le modèle des fusions transfrontalières.
A cet effet, le Projet de Loi met en place des règles juridiques distinctes mais harmonisées pour les fusions, les scissions et les transformations transfrontalières, avec d’une part, un régime commun applicable pour les fusions et les scissions internes, ainsi que les fusions, les scissions et les transformations transfrontalières autres que les opérations entrant dans le champ d'application des règles de l'Union européenne (le « Régime Commun »), et d'autre part un régime spécial et dérogatoire au droit commun qui relèvent du champ d'application des règles de l'Union Européenne en créant les concepts de fusion transfrontalière européenne, de scission transfrontalière européenne et de transformation transfrontalière européenne (le « Régime Spécial »), le but étant d’harmoniser entre elles, dans la mesure du possible, les procédures des fusions, des scissions et des transformations transfrontalières et de limiter les règles plus contraignantes issues de la Directive Mobilité aux seules opérations transfrontalières tombant dans son champ d’application. Il est à noter que la procédure existante pour une transformation interne, qui n’implique pas de déplacement du siège social au-delà des frontières, n’est pas modifiée par le Projet de Loi.
Le Régime Commun reprend les règles existantes en matière de fusion et de scission dans la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales telle que modifiée avec certaines modifications visant à les assouplir et introduit des règles pour les transformations transfrontalières non européennes calquées sur les procédures des fusions et des scissions. Parmi d’autres choses, le Projet de Loi :
En ce qui concerne le Régime Commun des fusions, le Projet de Loi précise que :
Le projet de Loi prévoit désormais que dans le cadre du Régime Commun des scissions que :
En ce qui concerne les transformations transfrontalières dans le cadre du Régime Commun, le Projet de Loi précise que :
Le Régime Spécial sera seulement applicable aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés à responsabilité limitée (pour les opérations de mobilité intra-européennes, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus). Le Régime Spécial ne sera par ailleurs pas applicable aux sociétés coopératives (même organisées en SA), aux OPCVM, aux sociétés en liquidation ayant commencé la répartition des actifs, aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement ou aux Sociétés Européennes (SE).
Dans le cadre du Régime Spécial, le Projet de Loi prévoit que :
Par ailleurs, le Projet de Loi prévoit également un droit de retrait pour les associés qui ont voté contre l’approbation du projet de l’opération en l’échange du paiement d’une soulte en espèce qui doit être versée dans un délai de deux mois après la prise d’effet de l’opération. La soulte en espèces pourra être versée et l’acquisition effectuée soit par les sociétés concernées par l’opération, soit par les associés restants, soit par des tiers en accord avec les sociétés concernées par l’opération. L’expert indépendant devra dans son rapport se prononcer sur le caractère adéquat de la soulte.
Dans le cadre du Régime Spécial, le notaire luxembourgeois devra vérifier si les conditions pertinentes et les procédures et formalités requises par la loi pour la mise en œuvre de l’opération ont été respectées, et il devra délivrer un certificat préalable à l’opération. En particulier, le notaire devra vérifier si l’opération a été mise en place à des fins abusives ou frauduleuses conduisant ou visant à contourner le droit national ou communautaire à des fins criminelles. Dans ce cadre, le notaire pourra consulter d’autres autorités pertinentes qui sont qualifiées dans les différents domaines concernés par l’opération, y compris le cas échéant les autorités de l’État membre de la société étrangère partie à l’opération, et obtenir de ces autorités et des sociétés parties à l’opération les informations et documents nécessaires pour effectuer le contrôle de la légalité de l’opération. Le certificat est déposé au RCS et transmis par le gestionnaire du RCS au registre auprès duquel les sociétés qui participent à l’opération sont immatriculées.
Une fois l’opération devenue effective, sa validité ne peut plus être contestée.
Enfin, Il est à noter que les dispositions de la Directive Mobilité relatives aux scissions transfrontalières, partielles ou complètes, sont limitées aux seules scissions impliquant une société préexistante.
Une fois adoptée, la nouvelle loi s'appliquera aux opérations pour lesquelles le projet écrit sur l’opération envisagée est publié à compter du premier jour du mois qui suit la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Par conséquent, pour les projets publiés avant cette date, les règles de restructuration en vigueur demeureront applicables.
Dans son avis, le Conseil de l’Ordre des Avocats a approuvé la démarche des auteurs du Projet de Loi visant à transposer la Directive Mobilité selon le principe et la tradition juridique luxembourgeoise « toute la directive, rien que la directive », permettant ainsi de restreindre le champ d’application contraignant des nouveaux régimes de la Directive Mobilité au strict nécessaire, mais s’interroge à juste titre sur l’impact de la transposition de la Directive Mobilité sur l’attractivité et la compétitivité du droit des sociétés luxembourgeois.
La transposition de la Directive Mobilité devait intervenir au plus tard le 31 janvier 2023. L’avis du Conseil d’Etat sur le Projet de Loi demeure néanmoins encore attendu.