Décision intéressante en matière de sous-traitance

Une décision intéressante vient d’être rendue par la VIème chambre du Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, en date du 17 novembre 2016, en matière de sous-traitance imposée (numéros 130651, 130748 et 138212 du rôle). Ce jugement est encore susceptible d’appel.

La sous-traitance imposée est un mécanisme en vertu duquel le maître de l’ouvrage impose à l’entrepreneur général de confier la réalisation de certains lots à un sous-traitant que le maître de l’ouvrage a lui-même sélectionné, avec lequel il a défini le cahier des charges des travaux à réaliser et le prix de ceux-ci. L’entrepreneur général s’engage par convention à accepter les entreprises désignées par le maître de l’ouvrage comme sous-traitants et à en assumer la responsabilité qui en résulte.

Le Tribunal, tout en rappelant qu’en application de l’article 1797 du Code civil, l’entrepreneur répond du fait des personnes qu’il emploie et est donc en principe responsable des faits de son sous-traitant envers le maître de l’ouvrage, considère que ce principe peut néanmoins être tempéré en matière de sous-traitance imposée.

Le Tribunal estime que « L’on peut cependant légitimement s’interroger, dans ce cas, sur la responsabilité qui incombe, en principe, à l’entrepreneur général en cas de faute commise dans l’exécution de la mission réalisée par ses sous-traitants. En effet, c’est normalement après avoir évalué les aptitudes de son sous-traitant que l’entrepreneur s’engage à répondre de ses prestations et à le choisir comme agent d’exécution. (…) Soutenir que l’entrepreneur principal accepte librement l’imposition d’un sous-traitant et doit, en conséquence en supporter la responsabilité suppose qu’il ne soit fait aucun cas de la pression économique, financière, sociale qui peut amener à accepter un contrat qu’offre le marché sans réelle alternative vu la conjoncture économique. Il ne peut en tout cas être considéré qu’il y a engagement procédant de la pleine liberté contractuelle qui fonde le principe de la responsabilité du fait d’autrui par application de l’article 1797 du Code civil. ».

Le Tribunal retient ainsi que la sous-traitance imposée peut, selon le cas d’espèce, décharger l’entrepreneur général de la responsabilité du fait du sous-traitant désigné.

Le Tribunal décide également que ce principe d’atténuation de la responsabilité de l’entrepreneur principal cède en présence de clauses contractuelles contraires prévues par les parties dans le contrat d’entreprise.

Néanmoins, même en présence de clauses contractuelles qui établissent de manière explicite la responsabilité de l’entrepreneur principal à raison des fautes du sous-traitant, fût-il imposé, ce principe n’est valable qu’à la condition qu’il soit accepté en pleine connaissance de cause par l’entrepreneur principal et que cela ne porte pas atteinte aux éléments fondamentaux du contrat, ni que cela ne heurte une quelconque disposition impérative ou d’ordre public.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal a retenu que, même si le contrat d’entreprise prévoyait expressément la responsabilité de l’entrepreneur général du fait du sous-traitant imposé, les réserves qu’avait émises celui-ci quant à la capacité du sous-traitant de pouvoir mener à bien les travaux exonèreraient l’entrepreneur général de la présomption de responsabilité du fait des sous-traitants pesant sur lui.

La charge de la preuve étant renversée, il appartient donc au maître de l’ouvrage de prouver que les manquements dénoncés sont le fait de l’entrepreneur général et non du sous-traitant imposé (Jugement commercial VIème Chambre, no 1050/2016 du répertoire fiscal, numéros 130651, 130748 et 138212 du rôle).