Transposition des directives 2014/24/UE et 2014/25/UE par la nouvelle loi sur les marchés publics

La loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics (ci-après « la Loi »), publiée le 16 avril 2018 au Mémorial, abroge partiellement l’ancienne loi modifiée du 25 juin 2009 sur les marchés publics. Le règlement grand-ducal du 8 avril 2018 en portant exécution (ci-après « le Règlement ») a vocation à remplacer le règlement grand-ducal du 3 août 2009.

Les principales modifications de la législation peuvent être résumées comme suit :

1. Champ d’application et seuils

La structure en Livres a été conservée, un nouveau Livre IV relatif à la « gouvernance » a été ajouté. Ainsi :

  • le Livre I contient les règles générales applicables aux marchés publics
  • le Livre II concerne les marchés d’envergure dont la valeur estimée dépasse un certain seuil
  • le Livre III est applicable aux marchés passés dans le secteur de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux
  • le Livre IV énonce des règles applicables à tous les marchés publics et concours

Les seuils applicables aux marchés relevant du Livre II sont fixés par l’article 4 de la directive 2014/24/UE et révisés périodiquement par acte de la Commission européenne (article 52).

Les seuils applicables aux marchés relevant du Livre III sont fixés par l’article 15 de la directive 2014/25/UE et révisés périodiquement par acte de la Commission européenne (article 98).

Ces seuils applicables au 1er janvier 2018 ont déjà fait l’objet d’une Communication publiée au Mémorial B – N° 321 du 29 janvier 2018.

L’adaptation des seuils intervient une fois par an, en début d’année, au lieu d’une adaptation mensuelle au dernier indice publié par le Statec (article 160).

La réelle nouveauté réside dans le fait que, pour certains services sociaux, culturels, de santé et quelques autres services énumérés dans les directives, tels que les services juridiques, hôteliers, de restauration et de cantine, un nouveau régime simplifié pour les marchés d’un montant supérieur à 750.000 EUR (hors TVA), trouve à s’appliquer (article 76).

Enfin, l’article 151 du Règlement indique que les marchés publics de travaux, de fournitures et de services peuvent être passés soit par procédure restreinte sans publication d’avis, soit par procédure négociée, lorsque le montant total du marché n’excède pas 60.000 EUR (hors TVA).

2. Procédures de passation

Les nouvelles règles ont largement maintenu les instruments actuellement disponibles en y apportant quelques adaptations. Sont ainsi prévues, les procédures de passation suivantes : procédure ouverte, procédure restreinte avec ou sans publication d’avis, procédure négociée, accord-cadre, centrale d’achat, procédure concurrentielle avec négociation, dialogue compétitif, partenariat d’innovation, concours.

Toutes les procédures pourront prendre en compte le coût total du cycle de vie des achats au moment de l’évaluation des offres. Ainsi, les offres innovantes pourront être privilégiées au vu de leurs avantages financiers à long terme.

De même, la Loi précise les conditions et caractéristiques des spécifications, labels, certifications et autres moyens de preuve spécifiques que les acheteurs publics peuvent exiger, afin de prouver que les travaux, services ou fournitures respectent les normes environnementales, sociales ou autres prévues dans le cadre du marché (articles 36 et 144).

La procédure du dialogue compétitif est désormais simplifiée.

La Loi crée la procédure dite du « partenariat pour l’innovation », destinée à permettre aux acheteurs publics d’acquérir des solutions hautement innovantes, en offrant la possibilité de combiner services de recherche et achat des résultats de la recherche et du développement.

Les modalités et conditions d’utilisation des systèmes d’acquisition dynamiques, des enchères électroniques et des catalogues électroniques sont déterminées par le Règlement.

Pour les marchés d’envergure, lors de la présentation de demandes de participation ou d’offres, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le « document unique de marché européen » (DUME) qui consiste en une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers (article 72).

Pour les marchés passés par les communes ou les établissements publics placés sous la surveillance des communes, la clause préférentielle en faveur d’un soumissionnaire local (article 49) a également été conservée, sous certaines conditions et notamment lorsque le montant total, hors TVA, du marché à conclure n’excède pas 60.000 EUR (seuil fixé à l’article 151 du Règlement).

Pour un marché estimé hors TVA à plus de 50.000 EUR, valeur cent de l’indice des prix à la consommation au 1er janvier 1948, le recours à une procédure restreinte sans publication d’avis ou à une procédure négociée sans publication préalable, est subordonné à l’avis préalable de la Commission des soumissions.

3. Attribution du marché

C’est sur la question de l’attribution du marché que la directive et la Loi sont les plus innovantes, accordant une attention particulière au respect des droits des travailleurs et des obligations en matière environnementales.

Les pouvoirs adjudicateurs peuvent à présent décider de ne pas attribuer un marché au soumissionnaire ayant remis l’offre économiquement la plus avantageuse lorsqu’ils ont établi que cette offre ne respecte pas les obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail, visées à l’article 42 (article 28).

Le critère de « l’offre économiquement la plus avantageuse » est reformulé afin de permettre aux pouvoirs adjudicateurs de tenir davantage compte des critères qualitatifs dans leurs sélection des offres (article 35 pour le Livre I, article 143 pour le Livre III).

Il est ainsi possible de tenir compte du coût du cycle de vie d’un produit, d’un service ou d’un ouvrage (article 37 pour le Livre I, article 145 pour le Livre III).

La Loi renforce les mesures déjà existantes contre les offres anormalement basses du fait du non-respect du droit social, du droit du travail et de la législation environnementale (article 34 pour le Livre I, article 146 pour le Livre III) : les pouvoirs adjudicateurs rejettent l’offre s’ils établissent que celle-ci est anormalement basse parce qu’elle contrevient aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail, visées à l’article 42 pour le Livre I ou à l’article 154 pour le Livre III.

Il est explicitement précisé que les opérateurs économiques sont tenus de respecter et de faire respecter par toute personne agissant en qualité de sous-traitant à quelque stade que ce soit et par toute personne mettant du personnel à disposition pour l’exécution du marché, toutes les obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par l’Union européenne, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales (article 42 pour le Livre I, article 154 pour le Livre III).

Enfin, afin d’atteindre l’objectif consistant à permettre aux petites et moyennes entreprises d’accéder plus facilement aux marchés publics, la Loi prévoit davantage de possibilité de diviser les contrats en plusieurs lots et que le niveau du chiffre d’affaires qui peut être exigé pour participer à un marché public sera limité à, au maximum, deux fois la valeur estimée du contrat (articles 12 5), 53 et 99).

4. Exécution et modification des marchés en cours

En règle générale les modifications apportées au contrat qui ne rendent pas celui-ci sensiblement différent par nature de celui conclu au départ, sont permises.

L’article 43 de la Loi énumère toute une série de cas dans lesquels les marchés peuvent être modifiés sans qu’une nouvelle procédure de passation ne soit nécessaire :

  • lorsque les modifications, quelle que soit leur valeur monétaire, ont été prévues dans les documents de marchés initiaux sous la forme de clauses de réexamen
  • lorsque les prestations supplémentaires du contractant principal devenues nécessaires ne figuraient pas dans le marché initial et qu’un changement de contractant est impossible pour des raisons économiques ou techniques et présenterait un inconvénient majeur ou entraînerait une augmentation substantielle des coûts pour le pouvoir adjudicateur
  • lorsque (i) la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un pouvoir adjudicateur diligent ne pouvait pas prévoir et (ii) que la modification ne change pas la nature globale du marché, et (iii) dans la limite des 50 % de la valeur du marché initial, étant précisé que, lorsque plusieurs modifications successives sont effectuées, cette limite s’applique à la valeur de chaque modification
  • sous certaines conditions, lorsqu’un nouveau contractant remplace celui auquel le pouvoir adjudicateur a initialement attribué le marché
  • lorsque les modifications ne sont pas substantielles, c’est-à-dire, quand elles ne rendent pas le marché sensiblement différent par nature de celui conclu au départ
  • lorsque la valeur de la modification est inférieure à certains seuils, déterminés en fonction du type de marché et du Livre applicable, étant précisé que le prix actualisé est la valeur de référence lorsque le marché comporte une clause d’indexation

Le pouvoir adjudicateur peut prévoir dans le cahier spécial des charges des clauses pénales et des astreintes pour le cas où l’adjudicataire ne se conforme pas ou ne s’est pas conformé aux conditions et aux délais convenus pour le marché.

Le montant des clauses pénales et astreintes doit être adapté à la nature et à l’importance du marché. L’amende ne peut pas dépasser 20 % du total de l’offre.

L’essentiel des règles concernant l’adaptation des prix, les travaux en régie, la réception des travaux et la facturation figure dans le Règlement.

Concernant l’adaptation du marché aux hausses des prix des matériaux et des salaires, les articles 109 à 118 du Règlement reprennent les principes de l’ancien règlement grand-ducal du 3 août 2009 en ajoutant notamment que les cahiers spéciaux des charges peuvent prévoir des formules spécifiques de calcul pour déterminer les adaptations des contrats (article 109 2) du Règlement). Il est encore précisé que la demande d’adaptation doit être, (i) soit accompagnée d’une analyse des prix faisant l’objet du contrat et détaillée suivant le schéma prévu à l’article 10 du Règlement ou par un schéma spécifique prévu par le pouvoir adjudicateur, (ii) soit calculée en fonction d’une formule de révision tenant compte de la proportion de la main-d’œuvre, des matériaux et des bénéfices constatés dans la branche, (iii) soit établie par la combinaison des deux méthodes (article 112 du Règlement).

Quant à la facturation, l’article 135 du Règlement souligne désormais que les montants des clauses pénales et astreintes qui ont été appliquées sont déduits de la facture définitive.

5. Résiliation des marchés

a. À la demande du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice

Le contrat peut être résilié à la demande du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice lorsque le marché a fait l’objet d’une modification substantielle qui aurait requis une nouvelle procédure de passation ou encore quand il s’avère que le contractant aurait dû être exclu de la procédure de passation de marché ou que le marché n’aurait pas dû être attribué au contractant en raison d’un manquement grave aux obligations prévues par les traités et la Loi, constaté par la Cour de justice de l’Union européenne (articles 44 1) et 156 1)).

Le contrat peut être résilié aux torts de l’adjudicataire en cas de manquement aux conditions du marché adjugé ou pour non-respect des délais impartis ou de faute grave dans l’exécution des marchés (article 44 2)).

La résiliation aux torts de l’adjudicataire ne peut avoir lieu qu’après une mise en demeure, notifiée par lettre recommandée, précisant clairement les intentions du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice. Un délai d’au moins 8 jours doit être accordé à l’opérateur économique pour présenter ses observations écrites.

Le contrat peut encore être résilié à la demande du pouvoir adjudicateur, de l’entité adjudicatrice ou de l’adjudicataire si des variations importantes et imprévisibles de prix, de salaires ou de conditions d’exécution se sont produites à la suite d’un cas de force majeure (articles 44 4) et 156 2)).

b. À la demande de l’adjudicataire

Le contrat peut encore être résilié à la demande de l’adjudicataire (articles 44 3) et 156 3)) si :

  • du fait du pouvoir adjudicateur, la date de commencement des travaux prévue est dépassée de plus de 40 jours
  • si, avant le début des travaux, le pouvoir adjudicateur apporte des changements au contrat qui entraînent une variation de plus de 20 % de la valeur totale du marché

La Loi et le Règlement entrent en vigueur dès cette semaine, dès le 4e jour suivant leur publication.